La tigresse amie

 

 

Une tigresse qui désirait prendre un peu de repos au bord d'une rivière, fit une découverte étrange. Elle avait déjà vu des porcs-épics, mais celui-ci lui semblait fort petit, et ses aiguilles démesurément grandes en comparaison.

 

Du bout du nez, prenant bien garde de ne pas se blesser, elle le sentit. S'aventura ensuite à le pousser de sa lourde patte, elle se piqua un peu dans un premier temps, mais sa curiosité l'emportant, elle se prit à lui demander : « Mais qui est-tu donc ? », dans cette question, elle avait sans doute soufflé un peu trop. De l'endroit où elle avait envoyé promener la chose, une toute petite voix s'éleva : « Je suis l'oursin, je me suis égaré très loin de ma mer natale ! ».

 

-         Je me sens seul, mais fait attention je pique. Lui dit-il d'un air amusé, oseras tu régulièrement me parler ?

-         Si tu veux, mais fait très attention, je pourrais te manger.

-         Aucune crainte, je suis insipide.

 

La tigresse n'en croyait rien et se dit : « Je pourrais sûrement m'en faire un ami ». Une abeille volant par là lui dit en passant « fais très attention à toi, tu pourrais t'en sortir meurtrie, une plaie pourrait s'infecter et t'emporter. Moi j'ai déjà vu quelqu'un goûter à cet animal et crois-moi, la forteresse qui l'entoure ne protège vraiment rien qu'on puisse butiner » ?

 

Elle revint tous les soirs, délaissant du fait sa famille. Certes elle s'en fit un ami, mais à quel prix ?

 

-         Veux-tu me gratter aujourd'hui ? Lui dit-il d'un air malheureux, j'avais demandé à la sauterelle, mais la méchante m'a laissé tomber, elle ne veut plus entendre parler de moi, juste parce qu'elle s'est un peu piquée, toi tu es tellement plus gentille et plus forte aussi, même si tu souffres, tu ne m'en tiens jamais rigueur, car tu sais que tu es ma seule compagnie.

 

C'était vrai, elle ne pouvait le laisser dans l'embarras, elle se piqua, le gratta. Et il lui dit :

 

« A demain ? N'oublies jamais que c'est toi qui veux me tenir compagnie, je ne t'oblige à rien surtout ! »

 

Rentrant chez elle, sa patte fort douloureuse, elle ne souffla mot à personne, laissa Monsieur Tigre chasser à sa place, se laissa nourrir et alla se coucher, ne fit rien dans l'attente du rendez-vous du soir. Elle savait qu'elle allait en souffrir, déguster, se disant qu'elle ne mangerait sans doute jamais l'oursin. Tant pis ! Savoir à quel point il devait protéger sa substance essentielle lui suffisait amplement, elle allait devenir son alliée, n'y trouvant que très peu de plaisir, mais sa loyauté l'obligeait à partager ses soirées.

 

Quand un jour, sa vieille amie la guenon lui souffla « Mais que fais-tu avec lui ? N'as-tu donc pas remarqué qu'il na rien à protéger ? Il a emprunté ses aiguilles au porc-épic défunt. Il se nourrit de ta souffrance, il n'a aucune originalité et te vide de ton énergie, il t'éloigne de ceux qui t'aiment vraiment. Ma pauvre amie, tu vas tout perdre à te lier à ce perfide animal. De plus je connais quelqu'un qui a déjà goûté ses frères, juste une crème nauséabonde salée à vomir, une bouchée et tu auras fini, regrettant déjà d'avoir cherché à l'ouvrir.

 

Au bout de maintes déconvenues et après quelques années d'errance, de questionnements, la tigresse avec un énorme soupir voyant au loin sa famille espérer son retour, décida d'enfin guérir de cette amitié morbide, d'un pas nonchalant elle reprit son chemin et se promit d'un dernier regard vers la chose hideuse, qu'elle n'y reviendrait jamais, tout en plaignant de tout son cœur la prochaine créature qui se laisserait prendre au piège.

 



21/10/2006
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