Ecriture


A toi !

Les mêmes flots

t'ont entraîné doucement

vers cette île qu'est la différence



Les mêmes maux

t'ont amené à penser

que ce qui tue c'est l'indifférence



ensemble par l'envergure

de nos nouvelles ailes

nous pourrons aimer et survoler

ce monde qui n'est pas si laid



Tu pourrais être mon reflet

tu es mon complément

Entrainons-les dans notre

course folle vers l'amour universel


30/08/2010
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Ma plus belle douleur

 

 

Assis sur les marches.

Par la pensée...

Presque des grands.

Les yeux dans les yeux.

 

Qui de nous deux

refusa à l'autre le baiser ?

Était-ce un baiser ?

J'ai oublié.

 

Mon épaule sait et

garde l'empreinte invisible

de ses dents de lait,

d'un chemin vers mon âme.

 

Si jeunes et pourtant...

Nous sommes-nous reconnus ?

Souvenir interdit d'un passé ?

Souvenir interdit d'un futur ?

 

Un présent inoubliable...


30/08/2010
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La tigresse amie

 

 

Une tigresse qui désirait prendre un peu de repos au bord d'une rivière, fit une découverte étrange. Elle avait déjà vu des porcs-épics, mais celui-ci lui semblait fort petit, et ses aiguilles démesurément grandes en comparaison.

 

Du bout du nez, prenant bien garde de ne pas se blesser, elle le sentit. S'aventura ensuite à le pousser de sa lourde patte, elle se piqua un peu dans un premier temps, mais sa curiosité l'emportant, elle se prit à lui demander : « Mais qui est-tu donc ? », dans cette question, elle avait sans doute soufflé un peu trop. De l'endroit où elle avait envoyé promener la chose, une toute petite voix s'éleva : « Je suis l'oursin, je me suis égaré très loin de ma mer natale ! ».

 

-         Je me sens seul, mais fait attention je pique. Lui dit-il d'un air amusé, oseras tu régulièrement me parler ?

-         Si tu veux, mais fait très attention, je pourrais te manger.

-         Aucune crainte, je suis insipide.

 

La tigresse n'en croyait rien et se dit : « Je pourrais sûrement m'en faire un ami ». Une abeille volant par là lui dit en passant « fais très attention à toi, tu pourrais t'en sortir meurtrie, une plaie pourrait s'infecter et t'emporter. Moi j'ai déjà vu quelqu'un goûter à cet animal et crois-moi, la forteresse qui l'entoure ne protège vraiment rien qu'on puisse butiner » ?

 

Elle revint tous les soirs, délaissant du fait sa famille. Certes elle s'en fit un ami, mais à quel prix ?

 

-         Veux-tu me gratter aujourd'hui ? Lui dit-il d'un air malheureux, j'avais demandé à la sauterelle, mais la méchante m'a laissé tomber, elle ne veut plus entendre parler de moi, juste parce qu'elle s'est un peu piquée, toi tu es tellement plus gentille et plus forte aussi, même si tu souffres, tu ne m'en tiens jamais rigueur, car tu sais que tu es ma seule compagnie.

 

C'était vrai, elle ne pouvait le laisser dans l'embarras, elle se piqua, le gratta. Et il lui dit :

 

« A demain ? N'oublies jamais que c'est toi qui veux me tenir compagnie, je ne t'oblige à rien surtout ! »

 

Rentrant chez elle, sa patte fort douloureuse, elle ne souffla mot à personne, laissa Monsieur Tigre chasser à sa place, se laissa nourrir et alla se coucher, ne fit rien dans l'attente du rendez-vous du soir. Elle savait qu'elle allait en souffrir, déguster, se disant qu'elle ne mangerait sans doute jamais l'oursin. Tant pis ! Savoir à quel point il devait protéger sa substance essentielle lui suffisait amplement, elle allait devenir son alliée, n'y trouvant que très peu de plaisir, mais sa loyauté l'obligeait à partager ses soirées.

 

Quand un jour, sa vieille amie la guenon lui souffla « Mais que fais-tu avec lui ? N'as-tu donc pas remarqué qu'il na rien à protéger ? Il a emprunté ses aiguilles au porc-épic défunt. Il se nourrit de ta souffrance, il n'a aucune originalité et te vide de ton énergie, il t'éloigne de ceux qui t'aiment vraiment. Ma pauvre amie, tu vas tout perdre à te lier à ce perfide animal. De plus je connais quelqu'un qui a déjà goûté ses frères, juste une crème nauséabonde salée à vomir, une bouchée et tu auras fini, regrettant déjà d'avoir cherché à l'ouvrir.

 

Au bout de maintes déconvenues et après quelques années d'errance, de questionnements, la tigresse avec un énorme soupir voyant au loin sa famille espérer son retour, décida d'enfin guérir de cette amitié morbide, d'un pas nonchalant elle reprit son chemin et se promit d'un dernier regard vers la chose hideuse, qu'elle n'y reviendrait jamais, tout en plaignant de tout son cœur la prochaine créature qui se laisserait prendre au piège.

 


21/10/2006
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Mûres mures

Mûres mures

Venez effleurer mes lèvres

De vos douces excroissances multipliées

Moirées de noir et de bleu intense

Éclater sous mes dents blanches assassines

Répandre dans ma bouche

Vôtre jus acide et sucré

Après que de ma langue j'ai pu m'amuser

De vos lisses rondeurs alvéolées

Et qu'enfin apparaisse

Sous mon capuchon de sorcière

Mon regard étoilé de plaisir


18/09/2006
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Mon fils

La distance qui nous sépare n'est celle des kilomètres, ma dignité de mère, ma fierté mal placée m'empêche souvent de toi de me rapprocher. Et parce qu'ici, je suis sure que tu ne pourras me lire, je vais enfin m'exprimer. Tu n'as pas suivi le chemin que pour toi j'avais imaginé. De longues études tu n'as jamais voulu suivre. Déjà bébé, et ensuite jeune gars, tout ce que tu voulais c'est qu'on te laisse en paix, sans jamais faire quoi que ce soit qui ne viendrait de ton cœur. J'avais peur que par ce trait de caractère tu fasses ton malheur.

Et à la lumière de ce que tu aurais pu être, je n'ai rencontré que miroir aux alouettes. Quand je vois ce que certains ont en main pour démarrer dans la vie. Qu'en se regardant le nombril, s'ils voient un méchant poil tordu, pour eux tout s'écroule. Quand ils se croient si forts de leurs connaissances, de leur jeunesse, qu'ils s'autorisent à jouer de la sincérité des êtres.

Toi qui n'a pas suivi d'études mais qui a le cœur grand. Toi qui jamais ne te moques. Toi qui peux t'amuser mais jamais au dépends d'un autre. Toi qui ignore ce qu'est la cruauté. Toi qui a su partager. Tu es certes loin d'être parfait mais tu cherches avant tout à être toi, tu ne débites pas de longues phrases ennuyeuses pour briller en société. Et tu peux regarder les autres dans les yeux sans avoir honte de ce que tu es.

Alors là, tu vois mon fils, toi qui as 22 ans, qui a fondé un foyer, qui seras bientôt un chef de famille, et qui me fera grand-mère pour la deuxième fois (à ma grande revient l'honneur de m'avoir fait ma première petite fille), je te dis ici ce que je voudrais dire bien fort, JE SUIS FIÈRE DE TOI.

Tu es doté de l'intelligence vraie et je suis sure qu'au petit bout de vie qui pousse au creux de ta gentille épouse, tu sauras le transmettre ce trésor qu'est la SINCÉRITÉ.

Je t'aime mon fils.


18/09/2006
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Pauvre saule à l'oreille

 

L'histoire vraie d'un être vivant qui se meurt

Je te connais depuis mon arrivée en ces lieux de marais et d'étangs, alors que je venais me recueillir près de l'eau, je n'ai pu te manquer, tu étais si singulier avec ton oreille, penché en arrière comme si tu n'en pouvais plus d'entendre ce qu'on te disait.

Tes branches, d'un beau vert, formaient comme une chevelure, en dessous une oreille pointait. Et c'est ainsi que j'ai tout de suite pensé que tu avais de la personnalité mon ami. J'ai souvent entendu le chant mouvementé de tes frères, je les ai souvent écouté me susurrer les peines de la nature quand le vent les aidait à s'exprimer. Je ne savais comment leur répondre, leur dire combien je me sentais en peine moi aussi.

Et je t'ai trouvé toi. Cette anse comme celle d'une tasse, je savais qu'elle te servait à écouter, je savais aussi que jamais tu ne trahirais mes secrets, qu'ils retourneraient simplement vers la terre d'où je suis née, filtrés par ta bienveillance pour m'apaiser.

Saule, tu n'as jamais eu le droit au titre de « pleureur », ta chevelure si fière dressée. Mais moi je sais…. qu'en secret tu pleurais.

Et là, après cette nuit d'orage et de grêle, je reviens pour te conter ma vie. Tu es couché, les racines tournées vers le marais comme tendues vers le dernier souffle de ta vie qui ne fut qu'écoute et immobilité. Tes cheveux encore verts seront les témoins de ta longue agonie au fil des jours, ton oreille collée au sol, guettant les vibration des vers qui viendront te ronger. Et je ne peux rien faire mon ami toi qui me fut si fidèle.


17/09/2006
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Une journée décisive

Est-ce vraiment un Champignon comestible ? La pauvre fille n'en était pas sure. Elle le retournait en tous sens, il avait la forme d'une vis et sa couleur kaki n'était pas engageante. Ce que lui avait dit le vieil indien lui avait fait immédiatement penser à Alice au pays des merveilles.



Johannie était d'une laideur indescriptible, ses traits très irréguliers, une rangée de dents comme des piquets de pâture, une peau rougeâtre, et personne n'imaginait que sous cette apparence, une âme d'une telle beauté pouvait se cacher.

Bien entendu ses parents l'adoraient, quand elle rentrait chez elle en larmes le soir, et effondrée d'avoir dû subir les attaques de ses camarades de classe, ses parents s'empressaient de la rassurer, de lui dire qu'elle était pour eux la plus belle des enfants. Ils savaient bien qu'elle ne pourrait probablement jamais trouver de galant, et comme elle était leur fille unique leur descendance ne serait sûrement jamais assurée, mais comme ils l'aimaient cette petite, elle était si gentille.

Son père devait entreprendre un voyage, il avait décidé d'emmener Johannie avec lui. Pour une fois, rien de vraiment important, une simple réunion entre collègues et ensuite quartiers libres jusqu'au lendemain, il aurait tout loisir de lui faire visiter la grande ville. Sa mère avait choisi ses plus beaux vêtements pour l'occasion et quand, juste avant de prendre la route pour ce long voyage, elle se regarda dans le miroir, un rayon de soleil couleur d'or vint enflammer un instant la mèche rebelle qu'elle avait devant les yeux, lui donnant un petit air sauvage qui contrastait étrangement avec sa tenue sage. Pour peu elle se serait presque trouvée belle.

Quand elle entra dans l'hôtel serrant très fort la main de son papa, elle avait l'impression d'être toute petite et fragile, cet endroit majestueux la faisait se sentir déplacée, elle se sentait comme une verrue sur le nez d'un mannequin, cette idée d'une première page de magazine avec un visage ainsi enlaidi la fit rire et elle avança d'un pas plus sur.

Son père lui dit d'attendre là sagement assise sur le banc près de la porte. Sa réunion ne devait durer qu'un moment ensuite il lui montrerait enfin le vrai monde. A 12 ans elle n'avait pas encore eu le loisir de beaucoup voyager, ses parents voulaient lui éviter les regards malveillants et moqueurs. Elle prit place sur le banc froid de marbre blanc, joignant les chevilles comme une jeune fille bien élevée, elle n'osait regarder autour d'elle de peur d'être écrasée par tout ce faste.

Attendre ainsi commençait à lui sembler long, elle n'avait pas la notion du temps, aucune montre au poignet et comme elle n'avait pas pris ses précautions, elle sentait qu'il lui faudrait bientôt trouver les toilettes. Quelques personnes passaient, Johannie fit tomber sa mèche sur son visage afin de le cacher aux curieux.

Sentant qu'elle ne pourrait plus se retenir bien longtemps, elle se décida enfin à explorer l'hôtel à la recherche d'un endroit où se soulager. Le bruit que faisaient ses pas sur les marches, du même marbre que le banc, raisonnait dans ses oreilles. Seule et craintive, elle avait froid malgré la température fort agréable. Elle décida de trouver des points de repères afin de ne pas se perdre. En bas de l'escalier, elle vit une superbe maquette de navire ancien qu'elle s'empressa de mémoriser, un long couloir à droite menait à une grande porte de bois massif fort ouvragée. A petits pas pressés, courant presque, elle l'atteignit, l'ouvrit avec peine tellement le battant était lourd. Elle n'avait jamais ressenti une telle peur, son cœur battait jusque dans la gorge. La pièce était immense, elle compta quatre portes. Et juste là, enfin les deux lettres tant convoitées : WC.

Soulagée et heureuse de pouvoir retourner là où elle était sensée attendre son père, elle se rendit compte qu'elle avait fait une erreur monumentale, les portes étaient toutes semblables, si seulement elle avait mieux regardé. Elle en choisit une au hasard, elle découvrit derrière celle-ci un endroit magique, le soleil qui entrait faisait étinceler les bocaux sur une immense étagère, ce qui lui fit penser immédiatement aux conserves de toutes sortes que préparait sa maman. Elle sursauta quand une voix d'homme puissante lui dit : «

- Tu cherches quelque chose petite ?
Elle lui dit qu'elle voulait rejoindre son père au premier étage.
- Je ne te parle pas de ça. Tu retrouveras ton chemin seule, quand tu auras trouvé ce que tu cherches, réfléchis bien à la question que je viens de te poser.
Elle ne comprenait pas, le regarda attentivement, c'était un vieil indien, le visage buriné, les cheveux mi longs, son regard était perçant mais chaleureux aussi. Après quelques efforts de concentration et sous le sourire attendri du vieil homme elle lui dit enfin ce qu'elle croyait chercher depuis toujours.
- Tu veux être comme les autres petites filles ? Es-tu sur de cela ? Elle acquiesça d'un hochement de tête timide.
- Alors avale ce champignon, il te donnera une vision de ta vie future telle que tu aimerais qu'elle soit. »

Après avoir soigneusement étudié le champignon, elle ne résista pas longtemps à la tentation et en fermant les yeux très fort, elle l'engloutit sans le mâcher.

Elle était devant le miroir de la maison où elle s'était étudiée attentivement ce matin, le même rayon de soleil accroché à sa mèche. Mais cette fois elle était de toute beauté, elle était grande, plus âgée et revêtue d'une robe blanche pour son mariage apparemment, son sourire narquois lui donnait un air malsain, comme si elle venait de jouer un mauvais tour à quelqu'un.

Elle fut transportée dans un autre lieu, un autre temps sans transition. Sa voiture de sport ouverte au soleil, elle conduisant sur une route sinueuse elle riait à gorge déployée, les cheveux dans le vent, son mari bien loin en déplacement, elle avait pris du bon temps avec son meilleur ami, avait dépensé plus que de raison et faisait maintenant la course avec un superbe étalon au teint doré, s'il gagnait, il aurait ses faveurs pour la nuit. Il était loin le temps où tout le monde la croyait naïve et gentille. Quand soudain devant elle…. Ahhh ! Blanc… Rouge… Horrible douleur…. Plus rien.

Johannie se réveilla péniblement, toujours assise sur le banc de marbre froid, la fatigue du voyage l'avait tellement anéantie, qu'elle n'avait résisté au sommeil qui la gagnait. Elle avait toujours cette envie pressante de vider sa vessie et quand enfin son papa apparut, elle fut soulagée d'avoir rêvé. Elle revit en frissonnant, quand il l'emmena, la maquette de navire, le long couloir, la lourde porte que son père ouvrit sans plus de mal. Quand elle sortit des toilettes, elle entrevit par l'entrebâillement d'une autre porte, un éclat de lumière sur des bocaux, quelques champignons en forme de vis y baignaient, à côté immobile et sans vie, la statue d'un vieil indien qui semblait la regarder, elle entendit au fond de la mémoire de ce qui ne s'était jamais passé.

- Alors, le voyage t'a plu jeune fille ? Ta beauté est en toi, nul besoin de la chercher ailleurs.


17/09/2006
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L'aigle noir

 

Un beau jour ou peut-être une nuit… Cette chanson que chantait Barbara, je l'entends depuis une semaine, n'importe où, dans ma tête, elle me poursuit comme on porte une croix. Dès que la pression, le stress se relâchent, je décroche et je me surprends à la fredonner. Que m'arrive-t-il ? Est-ce que je débloque ? Mon médecin m'avait bien prévenu, le travail, toujours le travail, un jour j'aurai besoin d'un psychiatre. Eh bien je crois que ce jour est arrivé. Je ne suis pourtant pas fan de Barbara, j'aimais l'entendre sans plus, rien dans le texte ne me parlait. Le pire c'est que chaque mot, les vibrations de sa voix, chuchotent, susurrent comme quelque mal insidieux, qui creuserait sont chemin en moi, sans avoir l'air de faire de dégâts en surface.

Toutes les nuits, j'entends comme un appel, je me réveille en sueur, le sang semble s'être retiré de mes pieds, vidé par je ne sais quel vampire, comme sous l'emprise d'une frayeur intense. J'ai décidé de prendre quelques vacances supplémentaires, je suis toujours le meilleur malgré mon arrêt maladie d'il y a quelques semaines, j'en ai parlé à la Direction, j'ai largement dépassé le nombre de ventes pour l'année, et puis tant pis si les collègues doublent leurs chiffres pendant mon absence. J'ai vraiment besoin de ce repos, il m'arrive même de sentir mon esprit partir alors que je suis sur le point de conclure un contrat.

Je regarde mon appart' il est si clair, si rangé, j'en ai pris soin avant mon départ comme une mère l'aurait fait pour son petit qui part en classe de neige. Je m'imprègne de chaque recoin, mes objets, le grand soleil rouge et jaune qui égaye le mur de ma cuisine. Ma dernière petite amie avait eu l'idée folle de griffonner sur toutes les cloisons, quand elle est enfin partie, c'est le seul mur que j'ai laissé intact. La veille, une frénésie de rangement m'envahit après que j'eus mon frère au bout du fil.

- Écoute Loïc, j'ai vraiment besoin que tu me prêtes ta garçonnière, pour une ou deux semaines pas plus, tu me dois bien ça non ? Peux pas t'expliquer ! Super laisse moi la clé chez Lucette.

Lucette avait été notre gouvernante, elle n'était plus notre employée depuis fort longtemps mais avait gardé pour nous au décès de nos parents une grande tendresse. Elle vit désormais à 2 km du pavillon que j'ai décidé de laisser à Loïc lors du partage de l'héritage.

Les pneus de ma voiture crissent sur les cailloux quand, parti dans mon délire, je me rends compte que j'ai de loin dépassé le portail, je n'ai même plus le courage de reculer jusque devant la porte. Je laisse les clés sur le contact et je décide d'aller immédiatement me coucher. Pas envie d'attendre la nuit.

Mon cher frère a laissé quelques fruits sur la table du salon, il sait bien que je n'aime pas faire les courses, je prends une pomme et regarde par la fenêtre de la rotonde l'automne qui s'installe doucement, la cime des arbres se colore comme léchée par un doux feu. Je suis revenu au bercail. Je me jette de toute ma fatigue sur le lit, je lance le trognon dans la poubelle.

- Panier ! J'ai toujours été bon.

J'ai peur toutes les nuits depuis que je me suis installé ici, je me réveille couvert de sueur, je n'ai pas envie de faire les courses, je mange un par un les fruits qui restent sur le plateau, jour après jour, les derniers sont moisis, mais je croque soigneusement entre leurs bobos. Je ne me suis pas lavé depuis 3 jours, et la baignoire me tend ses bords ourlés comme des lèvres, je fais couler l'eau chaude presque bouillante et là je m'abandonne langoureusement, j'ai un peu mal entre les jambes. La chaleur et la mauvaise qualité de mon sommeil me font basculer petit à petit dans l'ombre de mes rêves, je sens l'eau emplir ma bouche comme si des doigts amoureux voulaient s'y égarer.

Et là, je les vois les yeux rouges, j'entends Barbara aussi, je me redresse d'un bond……encore quelques minutes et je me noyais.

Je m'installe dans mes draps d'une propreté douteuse, au moins là, je ne risque rien. Et je me laisse aller.

Les yeux comme des rubis… Nooooooooon ! Je n'arrive pas à me réveiller ! Penché sur mon bureau, j'ai commencé à écrire un livre (Je n'ai jamais été écrivain) quand  un mouvement presque imperceptible et rapide me fait relever la tête, il fait noir dehors, l'arc que forme la fenêtre m'offre une vue panoramique sur l'extérieur et je distingue nettement la jupe plissée de la jeune fille qui vole frénétiquement autour de ses mollets ronds. Elle court et regarde derrière elle, les yeux exorbités, à bout de souffle. Je remarque alors qu'elle est baignée d'un halo de lumière qui émane des phares d'une voiture, je ne vois pas le conducteur, je sais qui il est, je le pointe du doigt pour qu'il sache que je sais ce qu'il lui a fait et ce qu'il veut encore lui faire.

Le véhicule s'arrête, la jeune fille aussi, le chauffeur se tourne vers moi et je vois ses yeux, ils sont lumineux et rouges, la jeune fille a les mêmes yeux de rubis quand elle se tourne vers moi.

…je l'ai reconnu, venant de nulle part.... Je note leurs noms comme un témoignage, sur la feuille qui se trouve sous mes doigts tremblants et je regarde enfin le papier jauni le même PRÉNOM, je viens de noter le même PRÉNOM, je l'entends prononcé doucement mielleusement. LIONEL ! LIONNNNNNNNNNNNNNELLE !

Je me réveille enfin et regarde ma braguette, j'ai mal, mon bras me fait souffrir aussi, j'ai saigné, j'ai barbouillé L. ion. elle sur le drap blanc. Et je me souviens. Je sais pourquoi Loïc était le petit préféré de maman, pourquoi il était meilleur à l'école, moi je n'y allais que deux jours par semaine. On ne m'a pas encore enlevé tous les fils. A ma demande, après avoir vérifié que je bénéficiais suffisamment d'hormones mâles, on m'a autorisé à subir cette opération compliquée et je ne me reconnais plus dans les miroirs, j'ai pourtant toujours porté des vêtements masculins depuis que je suis majeure, mon médecin voulait que je consulte un psy mais j'ai soigneusement évité le suivi obligatoire. Maintenant, toute la partie de ma vie que j'avais occultée refait surface. Je sais pourquoi Papa venait toujours la nuit dans ma chambre…..


17/09/2006
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